le débat des caméras dans les taxis

Le débat


Des caméras dans tous les taxis?




Image © Michel Perret

Victor Santos avec son dispositif de vidéosurveillance, relié à une caméra au plafond, qui s'actionne automatiquement lorsqu'un client monte sur la banquette arrière. Il affirme être le premier chauffeur à Genève à avoir équipé son taxi d'une camera

Pour prévenir braquages et agressions, des chauffeurs se mettent à la vidéosurveillance

Mathieu Cupelin - le 01 juin 2009, 21h39
Le Matin


Après les trains régionaux, après les trams genevois, après le métro lausannois, la vidéosurveillance va-t-elle envahir les taxis? «J'ai installé une caméra dans mon taxi à Pâques, je suis le tout premier à Genève, raconte Victor Santos. Je l'ai fait pour des raisons de sécurité, presque tous les chauffeurs ont rencontré des problèmes.»
Victor, 19 ans de métier, a acheté sa caméra en France pour 750 euros (environ 1200 fr.). Fixée sous le toit, elle s'enclenche grâce à un détecteur de mouvements et filme la banquette arrière. Les images sont stockées sur une carte mémoire. Au moins deux de ses collègues ont commandé du matériel de vidéosurveillance et d'autres encore songent sérieusement à rouler sur leurs traces, d'après l'enquête du «Matin».
Alors que certains prennent les devants, l'interrogation s'étend à toute la profession, en Suisse et en Europe: face à la multiplication des agressions contre les chauffeurs mais aussi des litiges avec les clients, faut-il généraliser l'usage des caméras? Le sujet ne manquera pas de venir sur le tapis les 11 et 12 juin à Munich lors du salon de la fédération Eurocab, qui réunit une soixantaine de centraux représentant 25 000 véhicules.
Preuve en cas de litige
A Genève, dans le cadre d'un questionnaire, le central Taxi-Phone a récemment sondé ses quelque 750 chauffeurs sur cette question. Son directeur, Patrick Garavel, s'attend à une majorité d'avis favorables. «Dans ce cas, nous ferons savoir notre intérêt à la société autrichienne qui fournit notre matériel de bord, elle développera un système de vidéosurveillance si ses clients sont nombreux à en faire la demande.»
Pierre Jenni, président de la Société coopérative des concessionnaires indépendants de taxis genevois, voit aussi d'un bon oeil l'installation de caméras. Il met en avant l'exemple des trams genevois. «Elles ont un effet vraiment dissuasif, elles ont prévenu beaucoup d'incivilités.» Elles contribueraient aussi à rassurer les chauffeurs, nombreux dorénavant à garder un spray au poivre à portée de main. «Leur sentiment d'insécurité a fortement augmenté ces dernières années, plus encore que le risque avéré.»
L'argument sécuritaire n'est pas le seul à plaider en faveur de l'oeil électronique. «J'y vois davantage un moyen de preuve en cas de litige avec un client qu'une manière de prévenir les agressions», affirme Patrick Garavel.
Paiement par carte
Un avis étayé par Pierre Jenni. «Certaines plaintes de clients sont clairement abusives.» Les médias genevois ont ainsi récemment rapporté l'histoire d'une octogénaire qui aurait été flanquée à la porte d'un taxi. «En réalité, cette dame a cherché des poux au chauffeur depuis le début de la course. Excédé, il l'a simplement priée de sortir sans même la faire payer.»
Christian Bifrare, directeur de Taxi Services à Lausanne, se montre moins enthousiaste. Il préfère une autre solution: pour dissuader les braqueurs, il faudrait systématiser les paiements par carte de crédit. Une pratique qu'il a pu observer à Vienne. «Là-bas, les chauffeurs n'ont jamais plus de 20 euros sur eux, les malfrats savent désormais que ça ne sert à rien de les prendre pour cibles.» Une vingtaine de chauffeurs lausannois testent ce moyen de paiement actuellement. «Nous allons le généraliser cet été.»
Quelles règles les professionnels qui désirent se munir de l'appareil mouchard devront-ils respecter? Il n'y a pas besoin d'une autorisation spéciale, indique Eliane Schmid, porte-parole du préposé fédéral à la protection des données. Mais il faut pouvoir justifier l'installation d'une caméra par un motif valable. Le renforcement de la sécurité, notamment pour un chauffeur travaillant de nuit, peut entrer en ligne de compte. Il faut aussi signaler la présence de la caméra au client, oralement ou par un pictogramme bien visible. Les images ne doivent en aucun cas être utilisées à d'autres fins que l'élucidation d'une agression ou d'un litige.
Pas obligatoire
«Les chauffeurs devraient recourir à la vidéo uniquement s'ils ne trouvent pas d'autres moyens moins intrusifs de renforcer leur sécurité», poursuit Mme Schmid. La tendance générale au «tout-caméra» ne charme guère le service fédéral. «La sécurité ne s'améliore pas partout où on en met.»
La caméra ne doit pas non plus être imposée aux chauffeurs par la société à laquelle ils sont affiliés: «Car cela s'assimilerait alors à une surveillance de l'employé sur son lieu de travail.» A Genève, Taxi-Phone ne compte pas en implanter de force dans toute sa flotte. «Dans un premier temps, le matériel serait proposé en option aux chauffeurs, nous n'avons pas la volonté de l'imposer», répond Patrick Garavel.

Les trucs pour éviter les agressions Pour dissuader braqueurs et arnaqueurs, il existe d'autres moyens que la vidéosurveillance. Voici quelques conseils glanés auprès de professionnels de la branche: 1. Lorsqu'un client indique une destination lointaine, lui demander de régler tout ou partie de la course avant le démarrage. 2. Verrouiller les portes pour éviter qu'un client s'envole à un feu rouge sans régler la facture. 3. Systématiser les paiements par carte de crédit pour avoir le moins possible de cash sur soi. 4. A défaut, trouver une bonne cachette pour sa bourse et se rendre régulièrement à la banque pour y mettre l'argent à l'abri. 5. Avoir l'air sûr de soi, ne pas se laisser marcher sur les pieds. «Le rapport psychologique joue un grand rôle, une agression peut s'improviser en fonction de la personnalité du chauffeur», estime un taximan genevois doté d'une longue expérience. 6. Prêter attention aux signes suspects, comme l'ébriété, les regards fuyants. En principe, les chauffeurs ne peuvent pas refuser une course. Mais, en coulisse, certains reconnaissent qu'ils évitent les situations à risques. «Je ne vais pas charger à 5 heures du matin une bande qui a bu ou consommé des stupéfiants et demande à se rendre dans un lieu hors de la ville.»